Test : Cities Skylines, le tueur de Sim City ?

Il y a deux ans, la sortie de SimCity (5) avait fait couler beaucoup d’encre, tant le jeu avait déçu les habitués de la série : en prenant un virage forcé vers le multi-joueurs et le « casual », Electronic Arts n’a pas du tout répondu aux attentes des fans de city-builders, d’autant plus que le jeu était initialement terriblement buggué… Combiné avec les déboires financiers des développeurs de Cities XL, on pouvait craindre pour l’avenir de ce type de jeux. Mais c’était sans compter sur les p’tit gars de chez Colossal Order…

Après avoir fait ses classes sur la séries Cities In Motion, qui se concentre sur la gestion de systèmes de transports urbains, le studio a en effet profité de l’échec de SimCity (SC) pour passer à la vitesse supérieure avec Cities : Skylines (CS), un city-builder « à l’ancienne ». Pour la petite histoire, il s’agissait en fait d’un projet de longue date chez Colossal Order, mais son éditeur ne voulait pas le soutenir à cause de la concurrence de la série SimCity, et le manque de moyen a poussé Colossal Order a viser plus petit, ce qui a donné naissance à Cities In Motion… Et c’est finalement le flop de SimCity 5 qui a permis à ce projet de prendre corps pour de bon.

Il y a bien entendu encore du chemin pour faire de CS la référence qu’a été SC par le passé, mais le moins qu’on puisse dire c’est que ce premier essai a été largement transformé, avec un large succès critique et d’excellentes ventes, le jeu atteignant le million d’unités en moins d’un mois, avant même de sortir en version boîte. J’ai pour ma part un peu trainé pour m’y mettre, mais ça y est, je peux vous livrer mon verdict : yabon !

Une grande carte

Première bonne nouvelle, dès la création de la première ville, on découvre une carte d’assez bonne dimension… C’était l’un des plus gros reproches que je faisait à SC5, ses cartes étaient minuscules, obligeant à jongler entre différentes villes au sein d’une région pour réussir à faire quelque chose digne d’intérêt. Avec CS, non seulement la carte de base est déjà au moins quatre fois plus grande que celle de SC5, mais en plus des extensions peuvent être achetées (avec des sous virtuels du jeu, pas avec des vrais euros… CS n’est pas un pay-to-win !) au fil de l’avancement, pour multiplier par neuf la surface disponible.

Cities : Skylines
Une ville de 120 000 habitants dans Cities : Skylines
SimCity 5
Une ville de 190 000 habitants dans SimCity 5… cherchez l’erreur !

La topographie de votre carte est par contre quasiment figée, le jeu ne proposant de base aucun outil de terraforming, en dehors de l’éditeur de cartes, utilisable uniquement avant d’avoir commencé la ville. Seules quelques opérations de nivellement mineure seront possibles, de façon totalement automatisée, lors de la construction de routes et de bâtiments.

Une gestion poussée des transports

Deuxième gros point fort de CS, la gestion du réseau de transport est d’une finesse impressionnante. En digne héritier de Cities In Motion, CS gère de façon très détaillée les transports en commun. Par exemple, il ne suffit pas de placer quelques arrêts de bus et tunnels de métro pour que vos administrés se mettent à utiliser les transports en commun, il faudra définir les tracés de chaque ligne de bus, de métro et de train (le tram est le grand absent). Une tâche qui peut vite devenir ardu dans une grande ville, d’autant que l’ergonomie n’est pas idéale : les lignes sont toutes représentées de la même couleur, rendant difficile leur différentiation, et la suppression de routes provoque des détournement de lignes de bus parfois assez surprenants…

Côté routes justement, CS est là aussi plutôt complet, allant de la voie piétonne à l’autoroute (insonorisée ou non) en passant par les routes à 2, 4 et 6 voies, à double sens ou à sens unique (curieusement les 4 voies sont uniquement à double sens), bordées d’arbre ou non. Les ponts sont bien entendu de la partie également, et peuvent être construits à différents niveaux, pour se croiser, tout comme les tunnels, arrivés via une mise à jour gratuite quelques mois après la sortie.

Échangeur dans Cities : Skylines
Construisez vos échangeurs autoroutiers comme bon vous semble…

Comme dans tout city-builder récent, les routes peuvent être tracées librement. Et même un peu trop librement parfois… Il est en effet parfois difficile de réaliser des routes bien parallèle, et la construction d’un échangeur autoroutier efficace et sans trop d’emprise au sol pourra parfois vous occuper un bon moment…

Et pour exploiter au mieux ce réseau de transport, les déplacement de chaque citoyen son modélisés unitairement (avec un maximum de l’ordre d’un million de citoyens), et il est même possible de voir d’où vient et ou va un citoyen en cliquant dessus sur la carte. Cette simulation des déplacements n’est toutefois pas parfaite pour ce qui est de la recherche du chemin optimal, les gens ayant tendance à choisir le chemin théoriquement le plus rapide, sans tenir compte du trafic… Il n’est ainsi pas rare de voir un axe complètement saturé, alors que 100m plus loin un autre axe parallèle est quasi désert…

Un large choix de bâtiments et de ressources à exploiter

Côté bâtiments, tout commence avec les classiques zones résidentielles, commerciales et industrielles, auxquelles s’ajoutent au bout d’un moment les zones de bureaux. Mais en plus de ce zonage par type de bâtiments, CS propose également un zonage par quartier. En regroupant des zones au sein d’un quartier, vous pourrez y appliquer des politiques spécifiques (par exemple, une baisse des impôts sur les zones industrielles), mais aussi et surtout y spécialiser l’industrie pour l’exploitation d’une des quatre ressources naturelles proposées par le jeu (elles ne sont pas exploitées automatiquement sans spécialisation) : les terres fertiles, pour l’agriculture, les forêts pour le bois, le minerai et le pétrole. Notez que ces deux dernières sont des ressources épuisables, mais qu’il reste possible de spécialiser son industrie une fois les ressources épuisées, la spécialisation ne se limitant pas à l’extraction, mais aussi à la transformation. Une fois un gisement épuisé, les puits de pétrole laisseront par exemple leur place à des usines de plastique, qui importeront du pétrole pour fonctionner.

Cities : Skylines, le siège de Colossal Order
Parmi les bâtiments uniques, on trouve le (faux) siège de Colossal Order

Ces zones seront bien entendu à compléter par divers types de bâtiments (le choix est large) pour satisfaire aux besoins de vos citoyens (qui sont parfois exigeants) : sept types de centrales électriques, châteaux d’eau, pompes à eau, stations d’épuration, décharges, incinérateurs (qui produisent aussi de l’électricité), petits et grands hôpitaux, cimetières, crématoriums, petites et grandes stations de pompiers et de police, écoles, collèges, universités (l’éducation s’arrête là, il n’y a pas de bâtiments assurant le maintien de l’éducation après les études, comme les bibliothèques, musées, etc…), dépôts de bus (prérequis à la mise en place de lignes de bus), stations de métro, gares de passager, gares de fret, ports de passagers, ports de fret, aéroports, sept types de parcs. À ces grands classiques s’ajoutent également trente bâtiments uniques (dont la principale vocation est de rendre vos citoyens heureux) et cinq monuments. Les bâtiments uniques se débloquent définitivement dès qu’une de vos villes parvient à satisfaire certaines conditions (par exemple, avoir 20 000 carrés occupés par des zones commerciales pour débloquer le Parc d’affaires) et les monuments se débloquent en construisant certains bâtiments uniques.

Cities : Skylines

Cities : Skylines Avec les routes à sens unique, un changement mineur de position d’un bâtiment peut radicalement changer sa zone d’influence…

En dehors des bâtiments apportant joie et bonheur à vos citoyens, qui fonctionnent sur le modèle habituel du rayon d’action autour du bâtiment, les zone de couverture des bâtiments dépendent de votre réseau routier, car elles se basent sur la capacité des citoyens à rejoindre le bâtiment concerné (ou inversement). Il faut donc faire très attention à leur positionnement : si les routes à sens unique sont intéressantes pour fluidifier la circulation, elles peuvent devenir un casse-tête quand il s’agit de positionner les services publics.

Les constructions devront en outre se faire en prenant en compte trois types de pollution : la pollution du sol, essentiellement générée par les industries, la gestion des déchets et la production électrique, la pollution des eaux, essentiellement produite par les évacuations d’eaux usées, et la pollution sonore, provenant des industries, des bâtiments de loisirs, et des routes… Une partie de ces dernières existent d’ailleurs en version insonorisée, soit via des murs (autoroutes), soit via des arbres (routes à 2, 4 ou 6 voies). Vos citoyens jouiront par contre d’un air parfaitement pur, puisque la gestion de la pollution aérienne est inexistante, ce qui est d’ailleurs fort dommage, la modélisation du vent par le jeu (pour les éoliennes) aurait sans doute donné un peu de fil à retordre pour la gestion de la pollution.

Un certain manque de micro-gestion

Une fois les bâtiments correctement positionnés, vous n’aurez par contre plus trop à vous en occuper. En effet, si la simulation est très fine en ce qui concerne les déplacements, elle l’est beaucoup moins sur le plan de la gestion financière, où la micro-gestion brille par son absence. Pas question par exemple de réduire les crédits d’une école desservant un petit quartier au profit d’une autre desservant une zone dense, le budget des services publics ne se gère que de façon globale, avec une variation de -50% à +50% du budget normal, qui se traduit par une efficacité de -75% à +25%. Il est par contre possible d’arrêter un bâtiment de service public et de demander le vidage d’une décharge ou d’un cimetière (vidage qui se fera soit vers les autres décharges/cimetières et vers les incinérateurs/crématorium).

Ce manque de micro-gestion se fait d’autant plus sentir que la simulation unitaire des habitants de la ville a un fort impact sur la variation des besoins en service public. En effet, l’âge de chaque citoyen est pris en compte, et selon la façon dont à évolué votre ville (par exemple, suite à la construction d’un important quartier résidentiel), il faudra composer avec des pics d’affluence dans vos écoles, des pics de mortalité, etc… Des situations qui seraient bien plus faciles à prendre en compte en modulant les budgets alloués à chaque bâtiment. Colossal Order n’a pas non plus repris le système de mise à jour des bâtiments apparu dans SC5 (un petit poste de police de quartier peut ainsi petit à petit devenir un grand commissariat central), qui s’avère fort pratique pour mieux faire coller la capacité des services publics à la taille et à la densité de la ville.

C’est pas la crise pour tout le monde…

Conséquence directe de cette absence de micro-gestion, le jeu est un peu facile sur le plan économique. Passé les premières centaines d’habitants, l’argent rentre un peu trop facilement dans les caisses de la ville, et ce sont vite des millions qui peuvent s’accumuler, donnant ensuite une bonne marge de manœuvre pour se lancer dans d’ambitieux programmes de réaménagement urbain… Si vous êtes haussmannien dans l’âme, vous allez adorer, mais si votre truc est plutôt de ficeler un budget au petit oignons, vous serez déçu, la difficulté du jeu réside plus dans la gestion du trafic et du bonheur de vos citoyens que dans la gestion de vos comptes.

Seul au monde

CS souffre également d’une autre lacune majeure : vous y êtes désespérément seul. À l’opposé de SC5, où il est quasiment obligatoire de gérer plusieurs villes au sein d’une région, votre ville CS est quasi totalement isolée de ses voisines. Il y a bien sûr des flux migratoires et des flux de marchandises, mais tout ceci se fait de manière très opaque, sans que vous ayez vraiment votre mot à dire.

Les contrats que l’on pouvait passer avec les villes voisines pour leur acheter ou leur vendre de l’électricité, de l’eau ou des déchets manquent cruellement à l’appel, et ce d’autant plus que la gestion plutôt réaliste des sources d’énergie renouvelable les rend peu utiles sans un voisin pouvant assurer le tampon… Les éoliennes et les centrales hydroélectriques n’ont en effet pas une production constante, elle varie au fil du temps et il est donc difficile de se reposer entièrement dessus pour alimenter une ville. Puisqu’on en parle, notez que Colossal Order a poussé le réalisme (ou le vice 😀 ) jusqu’à reproduire la montée des eaux en amont d’un barrage… Faites donc bien attention aux endroits où vous en construisez : avoir suffisamment de courant dans la rivière n’est pas le seul critère à prendre en compte, il faut aussi vérifier qu’il n’y a pas de zones construites dont le niveau est inférieur à celui du barrage… Si vous voulez faire du renouvelable, il faudra vous tourner vers les centrales solaires, qui de leur côté ont un comportement moins réaliste, puisqu’elles peuvent produire 24h/24 et 7j/7 à leur capacité nominale…

Ouverture à la communauté

Si le maire virtuel que vous incarnez est très isolé, ce n’est par contre pas le cas du joueur CS dans le monde réel. Le succès du jeu et son ouverture aux mods grâce aux outils intégrés a en effet donné naissance à une large communauté, qui publie énormément de contenus additionnels sur le Steam Workshop. Des cartes, des bâtiments, des villes complètes, mais aussi des mods plus profonds permettant d’ajouter des fonctionnalités au jeu (terraforming…) ou d’améliorer son ergonomie (gestion améliorée des lignes de bus, avec une visualisation tout en couleur). La communauté s’en donne à cœur joie pour étendre le jeu et en faire LE city-builder.

Le Workshop de Cities : Skylines
Un Steam Workshop bien garni…

Les chiffres donnent le tournis… En ce début juillet, quatre mois après la sortie du jeu, le Steam Workshop propose plus de 10 300 cartes, 360 mods, 6300 sauvegardes, 9400 bâtiments, 14200 intersections, 6000 parcs et plusieurs milliers d’autres contenus (voitures, arbres, bâtiments publics, bateaux, avions…).

Thème européen de Cities : Skylines
Le style européen… ça change des gratte-ciels 🙂

Colossal Order ne chôme d’ailleurs pas non plus et publie régulièrement des patchs, pour corriger des bugs, mais aussi pour apporter des nouveautés. Un patch a par exemple ajouté il y a quelques temps la gestion des tunnels et un nouveau style de ville avec des bâtiments à l’européenne (immeubles mitoyens). Le studios espère en outre pouvoir continuer à développer le jeu pendant de longues années avant qu’il soit dépassé techniquement et qu’il devienne pertinent de réaliser une nouvelle version plutôt que de faire évoluer l’ancienne.

Et la technique alors ?

Avec tout ça, j’avais presque oublier d’évoquer les aspects techniques. Je vais faire court : le jeu est vraiment joli, le niveau de détails est impressionnant au zoom maximum, et le tout reste fluide, même avec une ville très chargée… Ce serait presque un sans faute sur ce point, si les designers du jeu n’avait pas décidé d’appliquer un filtre terne sur les éléments les plus éloignés. Heureusement, même pour ça la communauté est intervenu, et plus de 180 profils de correction des couleurs sont disponibles sans Steam Workshop…

Conclusion

Même si Cities : Skylines comporte encore de nombreux défauts, il constitue pour Colossal Order un excellent départ dans le monde des city-builders et, face à un SimCity 5 qui est complètement passé à côté de son public, il se positionne d’ores et déjà en leader du marché.

De quoi envisager sereinement l’avenir pour le petit studio finlandais, qui peut désormais peaufiner sont simulateur pour gommer petit à petit ses défauts et enterrer définitivement son illustre prédécesseur.

Reste à espérer que Colossal Order ne se repose pas sur ses lauriers et ne cède pas à la tentation de faire un jeu plus grand public pour vendre un maximum d’exemplaire… On devrait avoir une première réponse sur ce sujet lors de la prochaine Gamescon (début août à Cologne), où seront présenté une mise à jour majeure du jeu, sous la forme d’une extension payante, ainsi que plusieurs DLC gratuits et payants. En attendant, si vous avez été fan des anciens SC, vous pouvez sauter sur CS, vous ne regretterez pas vos 30€.

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