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La Question Technique 15 : c’est fabriqué comment, un processeur ?

Cette semaine, La Question Technique s’intéresse à la fabrication des processeurs. Piqûre de rappel pour certains ou découverte pour d’autres, un article qui nous redonne l’occasion de poser les bases du travail des fabricants de l’industrie du semi-conducteur.

Avant d’arriver sur votre carte mère, votre processeur a subi de nombreuses opérations, transformant un matériau des plus banals en un petit bijou de technologie. Mais connaissez-vous les principales étapes de cette fabrication ?

Des grains de sable au wafer…

La première grande étape, qui n’est généralement pas effectuée par les fondeurs eux-mêmes, est la production des wafers, ces grandes galettes de silicium qui servent de base à la production de toutes les puces électroniques.

Le silicium en lui-même est un matériau peu onéreux, car très abondant sur terre : sa forme la plus courante, la silice, ou dioxyde de silicium (SiO2), représente environ 60% de la masse de la croûte terrestre et est le constituant principal du sable.

Mais dans l’électronique, il faut du silicium particulièrement pur, de 99,9% pour la production de panneaux solaires à 99,9999999% pour la production de processeurs (moins d’un atome « étranger » par milliard d’atomes de silicium). Cette purification est généralement réalisée en deux étapes.

Tout d’abord, un lingot cylindrique de silicium monocristallin est fabriqué via le procédé de Czochralski : une « graine » de silicium monocristallin est plongée dans un bain de silicium liquide puis est lentement tirée vers le haut tout en tournant autour d’un axe vertical. Le silicium liquide va alors progressivement se solidifier autour de la graine, en adoptant la même structure cristalline. On obtient alors un lingot cylindrique de silicium très pur, pouvant atteindre plus d’un mètre de long et d’un diamètre généralement compris entre 25 et 450 mm, le plus courant pour les processeurs étant actuellement le 300 mm.

Des lingots de silicium de différentes tailles et diamètres

Ce lingot est ensuite purifié par la technique de la zone fondue. Lorsque le cristal est fondu puis se recristallise progressivement, les impuretés ont tendance à se concentrer soit dans la partie encore fondue, soit dans la partie recristallisée. La méthode de la zone fondue consiste à faire fondre une tranche du lingot à partir d’une extrémité, puis à déplacer lentement cette zone vers l’autre extrémité, ce qui permet de déplacer progressivement les impuretés. Cette opération doit généralement être répétée plusieurs fois pour atteindre un degré de pureté suffisant.

Des wafers vierges

Une fois que le lingot a atteint une pureté suffisante, il est débité en fines tranches (moins d’1 mm d’épaisseur), qui sont ensuite polies pour en éliminer la moindre aspérité. Pour améliorer encore la pureté de la couche supérieure du wafer, une fine couche de silicium y est parfois déposée après la découpe, par épitaxie en le trempant dans un bain de vapeur de silicium.

Du wafer au die

Une fois le wafer obtenu, il est chauffé dans une atmosphère riche en oxygène, ce qui permet d’obtenir une couche d’oxyde de silicium (oxydant) sur la surface. Le fondeur peut alors passer à la réalisation des die, par photolithographie.

Les étapes pour la réalisation d’une couche de photolithographie

Pour ce faire, le wafer est couvert d’un vernis sensible à la lumière UV. Le wafer passe ensuite sous un projecteur UV qui va projeter dessus un masque, correspondant au schéma des circuits de la première couche du processeur. Le masque ne comporte en général le schéma que pour un seul die, et l’opération est donc répétée autant de fois que nécessaire pour couvrir toute la surface du wafer. Le wafer passe ensuite sous un solvant, qui va détruire les zones du vernis qui ont été soumises à la lumière UV, exposant ainsi la couche d’oxyde de silicium.

Un flux de plasma est ensuite projeté sur le wafer, ce qui va permettre d’arracher l’oxyde de silicium, sauf dans les zones où il est encore couvert par le vernis, laissant ainsi apparaitre le silicium pur. Le wafer est alors soumis à un faisceau d’ions, qui va permettre de doper le silicium dans les zones où il est apparent, pour réaliser les drains et les sources des transistors. Le reste du vernis est ensuite éliminé et une nouvelle couche isolante est déposée sur le wafer.

Le processus UV/plasma est alors à nouveau répété pour tracer les grilles des transistors, avant de déposer encore une fois une couche isolante sur toute la surface.
À ce stade, les transistors sont formés, et il reste donc à les interconnecter.
Une nouvelle étape de traitement UV/plasma va permettre de creuser des trous dans la couche isolante pour rejoindre les trois pôles de chaque transistor. Le wafer passe alors dans un bain de sulfate de cuivre pour déposer le cuivre sur le wafer par électrolyse, créant ainsi les contacts.

Coupe des différentes couches d’un CPU

Le projecteur UV reprend du service pour tracer une première couche de circuit sur cette couche de cuivre. Le processus est ensuite répété une petite dizaine de fois, pour réaliser autant de couche de circuits que nécessaire, avec à chaque fois une couche isolante pour séparer les couches de circuits, percée de trous assurant les interconnexions entre les différentes couches.

Un wafer gravé

Une fois toutes les couches réalisées un contrôle optique est effectué sur le wafer et chacun des dies subit divers tests de fonctionnement. C’est à ce moment qu’on mesure le rendement du wafer, c’est-à-dire le taux de puces commercialisables sur le wafer, également appelé « yields » par les industriels. Ce rendement détermine le coût de revient des puces. Le wafer est ensuite découpé et seuls les dies fonctionnels sont conservés.

L’obtention de rendements élevés nécessite une parfaite maitrise de la photolithographie, et ce d’autant plus que la gravure des processeurs est fine, ce qui explique que seule une poignée de fondeurs se partagent le marché. L’amélioration du processus de photolithographie est donc un axe clé pour les fondeurs et leurs fournisseurs d’équipements de lithographie (qui sont encore moins nombreux que les fondeurs…), qui développent main dans la main des processus toujours plus avancés et complexes, comme la photolithographie par immersion, qui consiste à ajouter une fine couche de liquide entre le wafer et le projecteur. La réfraction de la lumière par cette couche de liquide permet de réduire la taille du die sans réduire la taille du masque, ce qui permet de garder une plus grande précision.

Une machine à photolitographie de chez ASML, l’un des leaders du secteur

Malgré tous ces efforts, il y a toujours des imperfections lors des différentes étapes de réalisation des puces, générant alors des dies non fonctionnels, les fabricants de processeurs prévoient généralement un peu de redondance dans les circuits principaux du CPU, pour permettre de contourner certains défauts. D’autres défauts sont contournés par la segmentation de la gamme. Par exemple, en proposant diverses capacités de cache, un die touché par un défaut au niveau de son cache pourra être utilisé pour une puce d’entrée de gamme.

Il y a aussi des dies non fonctionnels sur le pourtour du wafer, certains die « débordant » de celui-ci (parfois, le processus de production prend ce paramètre en compte dès la gravure, et ces dies ne sont donc pas gravés, mais la surface reste inévitablement perdue). C’est pour réduire ces chutes que le diamètre des wafers a progressivement augmenté : le nombre de dies chevauchant le bord du wafer est proportionnel au diamètre du wafer, alors que le nombre total de dies par wafer est proportionnel au carré du diamètre, donc plus le diamètre augmente, plus le taux de dies coupés diminue. Le gros de la production de processeurs se fait aujourd’hui avec des wafers de 300 mm, mais les fondeurs se préparent activement à la généralisation des wafers de 450 mm.

Du die au processeur

Une fois les dies découpés, le plus gros du travail est fait, il ne reste plus qu’un peu de « cosmétique » : placer le die dans un package qui permettra de manipuler facilement le processeur pour l’intégrer à une machine.

Le die est couvert de petites billes métalliques, connectées aux circuits du die et correspondant chacune à une des interfaces du processeur avec le monde extérieur.
Ces billes étant petites et fragiles, le die va être installé sur un support plus grand, permettant d’espacer les contacts et de proposer des contacts plus solides et plus adaptés à l’utilisation qui sera faite du CPU. On retrouve différents types de supports, selon les modèles de processeurs.

À gauche, un processeur PGA, à droite un processeur LGA

Les processeurs destinés au machine de bureau utilisent généralement des packages qui fonctionnent par simple contact. Intel utilise par exemple le système LGA, où le package du CPU est couvert de contacts plats et se monte sur un socket composé de petites griffes métalliques qui font faire pression sur les contacts du CPU, tandis qu’AMD utilise le système PGA, où le package du CPU possède des centaines de pattes qui viennent s’enficher dans les trous du socket. Un système abandonné par Intel depuis quelques années, notamment pour faciliter la manipulation des puces et en finir avec les fameux pins tordus (dont les pinces à épiler de nos femmes se souviennent encore… chacun sa technique).

Un chipset BGA

Du côté des processeurs mobiles, c’est le plus souvent le BGA qui est utilisé. Comme le die, le package est couvert de petites billes métalliques (qui sont toutefois plus grosses que sur le die), ce qui permet de le souder directement à la carte mère. Cette solution permet de gagner en épaisseur par rapport aux sockets LGA ou PGA, dont le mécanisme de rétention est relativement encombrant.

De l’autre côté du packaging, sur la face opposée à la carte mère, le processeur est souvent surmonté d’un capot métallique, le heatspreader. Comme son nom ne l’indique pas, il sert surtout à protéger le die, qui risquerait sinon d’être endommagé lors du montage du système de refroidissement. De façon plus marginale, il facilite le refroidissement, en le rendant moins dépendant de la qualité de l’interface entre le radiateur et le processeur (la surface de contact étant augmentée, l’interface peut être moins performante).

Une fois le processeur packagé, il subit une dernière batterie de tests, notamment pour déterminer la fréquence de fonctionnement et la tension qu’il faudra lui appliquer, puis il est marqué et emballé, prêt à être vendu.

Article publié initialement sur PCWorld