Même si elle n’est pas vraiment une technologie nouvelle (elle est utilisée dans certains produits grand public depuis plus de vingt ans…), la recharge sans-fil fait de plus en plus parler d’elle dans le domaine de l’électronique grand public, et bon nombre de grands constructeurs s’y intéressent pour simplifier l’utilisation de leurs produits mobiles. Il est donc temps de faire un petit point sur les technologies et les normes en présence…
Il existe principalement trois familles de transfert d’énergie sans-fil : le transfert par ondes électromagnétique, le transfert par induction et le transfert par résonance.
Le transfert par ondes
Le transfert par ondes électromagnétiques consiste à utiliser des ondes électromagnétiques (généralement de l’ordre du GHz), le récepteur convertissant ce signal radio en énergie électrique via son antenne.
Le principe est le même que pour une transmission de données par radio, mais le signal sert ici pour son énergie, et non pour les données qu’il contient.
Du fait de son rendement très faible (la puissance reçue par le récepteur d’une onde électromagnétique omnidirectionnelle décroit avec le carré de la distance par rapport à l’émetteur), ce mode de transmission n’est généralement pas utilisé pour de la recharge, mais plutôt pour alimenter directement des appareils nécessitant de très faibles puissances et de courtes portées (quelques centimètres à quelques mètres). Il permet une grande souplesse dans le positionnement du récepteur par rapport à l’émetteur, mais a par contre l’inconvénient de produire un rayonnement électromagnétique, dont la nocivité ou non pour la santé fait toujours débat (les puissances en jeu étant très faibles, son impact éventuel est toutefois relativement négligeable par rapport aux autres rayonnements électromagnétiques dans lesquels nous baignons en permanence).
Cette technologie peut aussi être utilisée pour transmettre de grandes puissances sur des distances relativement longues, en utilisant des ondes directionnelles, par exemple pour amener l’électricité dans des zones difficiles d’accès. Des expérimentations ont déjà été menées avec succès pour des puissances de plusieurs dizaines de kW sur des distances de plusieurs dizaines de kilomètres et avec des rendements de l’ordre de 80%.
Sur le même principe, avec des ondes de fréquence plus élevées, un laser peut être utilisé pour transmettre de l’énergie à un appareil doté d’un récepteur photovoltaïque (le rendement est alors bien moindre…). Ce système a par exemple été expérimenté pour recharger des drones électriques depuis le sol.
Le transfert par induction
Le transfert par induction utilise le principe de l’induction électromagnétique : lorsqu’un conducteur électrique est placé dans un champ magnétique variable, une différence de potentiel apparait entre les deux extrémités de ce conducteur, permettant donc de l’utiliser comme source pour alimenter un circuit. À l’inverse, un conducteur parcouru par un courant électrique produit un champ magnétique proportionnel à ce courant.
Il est alors possible d’utiliser le champ magnétique variable produit par un conducteur alimenté en courant variable, pour induire un courant dans un autre conducteur.
Pour obtenir un bon rendement, on utilise deux conducteurs enroulés autour d’un même axe (couplage magnétique), qui peut éventuellement être matérialisé par un noyau fabriqué dans un matériau ferromagnétique, qui va canaliser le champ magnétique produit par la bobine émettrice vers la bobine réceptrice.
Bien avant la transmission d’énergie sans-fil entre deux appareils indépendants, ce principe a été massivement employé dans les transformateurs électriques, qui utilisent deux bobines autour d’un noyau ferromagnétique pour abaisser ou augmente la tension. Il a ensuite été utilisé pour des appareils où l’absence de contact électrique apporte un gain de sécurité, par exemple, les brosses à dent électriques, où le rechargement par induction permet d’éviter des contacts apparents sur des appareils en contact fréquent avec de l’eau.
Dans le monde de l’informatique, l’induction a d’abord été utilisée pour alimenter des souris sans-fil avec un tapis à induction, disponibles sur le marché depuis une grosse dizaine d’années, et se retrouve aujourd’hui dans les tablettes et smartphones. Elle est également utilisée dans les systèmes RFID et NFC.
Cette technologie est adaptée à des puissances faibles à moyennes (quelques watts), grâce à son rendement supérieur à celui de la transmission par onde électromagnétiques (il peut atteindre 95% à très courte distance avec un noyau commun), mais en contrepartie elle est très limitée en portée et contraignante sur le positionnement des appareils, qui doivent être correctement alignés pour obtenir un rendement correct. Le champ magnétique variable est réputé inoffensif pour la santé, mais une portion des pertes se fait sous forme de rayonnement électromagnétique.
Le transfert par résonance
Le transfert par résonance, ou plus précisément le transfert inductif par résonance (à ne pas confondre avec la résonance magnétique nucléaire, utilisée notamment dans l’imagerie médicale) est en fait un cas particulier du transfert par induction. L’élément émetteur et l’élément récepteur sont des circuits RLC (résistance, bobine, condensateur) accordés tous les deux sur une même fréquence de résonnance. Lorsque la bobine émettrice est alimentée avec un signal calé sur la fréquence de résonance, ce montage permet d’alimenter un récepteur de même fréquence de résonnance sans qu’il soit nécessaire d’aligner les deux bobines. La distance séparant les deux bobines peut également être bien plus grande que lorsque la résonance n’est pas utilisée.
Les principales applications « grand public » du couplage par résonance se sont longtemps concentrées dans le secteur médical, notamment pour permettre la recharge des pacemakers de façon non invasive. Elle est désormais aussi utilisée par certaines normes pour la recharge des smartphones et tablettes. Le rendement élevé permet également d’envisager des applications à plus forte puissance, comme la recharge d’ordinateurs portables (quelques dizaines de watts), mais aussi de véhicules électriques (plusieurs kW).
La résonance peut éventuellement être utilisée uniquement du côté de l’émetteur, ce qui permet d’obtenir des résultats intermédiaires entre l’induction simple et l’induction par résonance : il est toujours nécessaire d’aligner les deux bobines, mais le transfert peut se faire avec un plus grand espacement entre elles.
Les normes existantes
Bien que les technologies sous-jacentes soient les mêmes (elles utilisent toutes le couplage inductif par résonance), plusieurs normes incompatibles entre elles ont été développées au cours des dix dernières années.
Rezence
Créée en 2004 sous le nom de WiPower puis rachetée par Qualcomm en 2010, Rezence est une technologie basée sur le couplage inductif par résonance. Elle a la particularité de permettre une adaptation dynamique de la puissance transmise sans nécessiter une communication entre l’appareil et le chargeur, ce qui la rend simple à implémenter. Grâce à l’utilisation de la résonance elle est relativement souple sur le positionnement des appareils par rapport au chargeur et permet de charger plusieurs appareils en même temps, avec un rendement compris entre 60% et 90% selon ses promoteurs.
Cette technologie est restée relativement peu distribuée pour l’instant, quasiment aucun appareil grand public ne l’intégrant par défaut. Pour mieux la promouvoir, Qualcomm a fondé en 2012 l’Alliance For Wireless Power (A4WP), en association avec divers constructeurs. La technologie a été rebaptisée Rezence fin 2013.
WiTricity
Apparue en 2007 et utilisant également la résonance, WiTricity cible des appareils plus gourmands et des plus grandes distances de transmission, mais au détriment du rendement. Les premières démonstrations consistaient ainsi à alimenter une ampoule de 60W à 2 mètres de distance, avec un rendement d’à peine 40%.
Aucun appareil n’a encore été commercialisé, mais des prototypes de TV et de smartphones ont déjà été dévoilés. WiTricity a rejoint le consortium A4WP depuis début 2014.
Power Matters Alliance
Fondée en 2012, PMA cherche à mettre au point des technologies ouvertes et interopérables pour la recharge sans fil. Outre la spécification de normes sur les émetteurs et récepteurs en couplage inductif avec ou sans résonance, PMA développe également différentes interfaces pour la communication entre les appareils et leur chargeur, pour surveiller la charge, négocier la puissance, etc…
Les standards PMA n’ont pour l’instant été inclus dans aucun appareil, mais des réseaux de bornes de recharge sont déjà disponibles, notamment dans les café Starbucks aux USA et les coques intégrant un récepteur PMA sont proposées pour de nombreux modèles de smartphones.
PMA a rejoint le consortium A4WP depuis début 2014.
Qi
Seule technologie à avoir été largement adoptée dans les smartphones, notamment chez Google/LG, Nokia et Samsung, la norme Qi actuelle utilise l’induction sans résonance du côté du récepteur, mais peut être implémentée avec résonnance du côté de l’émetteur.
Plus complexe que la norme Rezence, elle nécessite une communication du récepteur vers l’émetteur pour négocier la puissance à fournir. Cette communication est assurée par le récepteur en modulant la charge sur sa bobine, ce qui induit des variations de charge mesurables sur la bobine de l’émetteur.
Du fait de l’utilisation de l’induction sans résonance, l’appareil à charger doit être placé correctement sur le chargeur. Pour aider à ce positionnement, la plupart des appareils et chargeurs sont équipés d’un aimant au centre de leur bobine. La norme offre aussi la possibilité d’utiliser une bobine mobile dans le chargeur ou de créer des surfaces de chargement composées d’un grand nombre de bobines, dont seule celle la mieux placée par rapport au périphérique s’activera.
Une norme pour les remplacer toutes ?
Bien qu’elle soit désormais disponible dans un grand nombre d’appareils, la recharge sans-fil reste pour l’instant relativement peu utilisée. L’existence de plusieurs normes n’est probablement pas étrangère à cet état de fait, bon nombre d’utilisateurs hésitant sans doute à investir dans un chargeur sans-fil parfois relativement onéreux par rapport au faible gain de confort apporté et dont la pérennité est loin d’être assurée, une norme pouvant prendre le pas sur les autres…
Après un premier mouvement de consolidation autour de l’A4WP, il faudra donc sans doute attendre qu’un vainqueur se dégage entre l’A4WP et le WPC pour que la recharge sans-fil commence vraiment à décoller. Mais pour l’instant, il reste difficile de prévoir lequel des deux consortiums remportera la bataille… En effet, si Qi dispose clairement d’une bonne longueur d’avance pour l’instant sur le nombre d’appareils l’ayant adopté, l’A4WP dispose pour sa part de soutiens de poids, en particulier Qualcomm et Intel, qui pourraient faire pencher la balance en sa faveur.
On peut également espérer l’arrivée d’appareils universels supportant plusieurs normes, ce qui limiterait le risque qu’ils deviennent obsolètes. Texas Instruments propose par exemple depuis le début de l’année un circuit récepteur compatible avec les chargeurs Qi et les chargeurs PMA.
Toujours aussi bien ! Bravo les LQT
La question du rendement : ne serait-il pas sage d’attendre (ou de réclamer) des mesures dans des conditions définies et impartiales ? Quel écart (baisse probable) par rapport à une recharge à fil est-il raisonnable d’accepter dans une perspective de renchérissement-pénurie énergétique pour un gain de confort aussi discutable ?
Ayant travaillé dans le développement de la technologie NFC je connais un petit peu le sujet… et je trouve que la recharge sans fil est une abération… les rendements sont beaucoup trop mauvais… 80% contre 98-99% pour un transformateur avec régulateur… à l’échelle mondiale c’est une catastrophe écologique…
Ça dépend des cas aussi…
Typiquement, pour le NFC, je pense que le bilan énergétique de la recharge sans-fil reste positif : si tous les produits NFC devaient être dotés d’une micro-batterie et d’un circuit de gestion de la recharge, le coût énergétique à la fabrication (et je parle même pas du reste de l’impact écologique) serait probablement supérieur aux pertes liées au mauvais rendement du transfert d’énergie sans-fil pendant toute la durée de vie du produit.
Après, c’est clair que pour des machines consommant plus, le bilan s’inverse sans doute et les pertes à l’usage deviennent supérieures aux économies à la fabrication (quand il y en a encore… parce que dans le cas des smartphones par exemple, la batterie et le circuit de charge sont là de toute façon, recharge sans-fil ou non…).
Pour les transports c’est pas forcément stupide non plus au premier abord (aussi bien dans les places de stationnement que dans les routes elles-mêmes, permettant une autonomie virtuellement illimitée), à voir en pratique…
Ce qui serait bien, déjà, c’est d’avoir des panneaux photovoltaïques efficaces dans l’infrarouge et sinon translucides pour en barder les vitres.
L’induction/résonnance magnétique est dans tous les cas bien pratique pour les très faibles consommations.