La Question Technique 12 : qu’est-ce qui se cache réellement derrière ces 3 lettres : TDP ?

La Question Technique 12 : qu’est-ce qui se cache réellement derrière ces 3 lettres : TDP ?

Si vous suivez un minimum l’actualité des CPU et des GPU, vous avez forcément entendu parler plus d’une fois du TDP, une valeur exprimée en W et de plus en plus souvent mise en avant comme argument commercial. Mais ce que vous ne savez peut-être pas, c’est à quel point la notion de TDP est floue…

Commençons par tordre le coup à une idée reçue qui a la tête dure : le TDP N’EST PAS la consommation électrique d’une puce. Le TDP, ou Thermal Design Power (généralement traduit en « enveloppe thermique » ou « puissance de dissipation thermique »), n’est en fait qu’une préconisation du fabricant de la puce pour la conception du système de dissipation qui sera mis en place pour le refroidissement.  De fait, le TDP est la quantité d’énergie que le système de dissipation doit pouvoir évacuer sans que la température de la puce ne dépasse une certaine valeur (pour avoir du sens, un TDP doit donc être couplé à une valeur limite de température, mais celle-ci est rarement mise en avant). Si cette valeur est respectée par le système de refroidissement, on a alors la garantie que la puce pourra fonctionner de manière soutenue conformément à ses spécifications (en particulier, la fréquence nominale). Comme la consommation électrique d’une puce est quasiment intégralement dissipée sous forme de chaleur, le TDP est généralement au moins égal à la consommation maximale de la puce.

Le plus souvent, la consommation maximale réelle d’une puce est donc inférieure au TDP, en particulier dans le domaine des processeurs. En effet, du fait que les processeurs sont souvent utilisés avec des systèmes de dissipations « personnalisés », que ça soit chez les constructeurs de PC ou chez les utilisateurs avertis qui assemblent leur propre machine, les fabricants de processeurs ont pris pour habitude de segmenter l’ensemble de leurs gammes en familles proposant une même valeur de TDP (même s’il s’agit de puces dont la consommation diffère), plutôt que de spécifier un TDP pour chaque modèle de puce. Une manoeuvre qui permet de simplifier la conception des systèmes de refroidissement. Ainsi, un Core i7 4770K (3.5 GHz et 8 Mo de cache) est spécifié avec le même TDP de 84W qu’un Core i5 4430 (3 GHz et 6 Mo de cache), alors que ce dernier consomme bien évidemment moins que le premier.

De plus, le TDP est généralement spécifié avec une certaine marge, pour s’accommoder des aléas de production : deux puces de caractéristiques identiques n’ont pas toujours exactement la même consommation. Généralement, cette marge est d’autant plus grande que le TDP est élevé, quand une même puce est déclinée avec plusieurs TDP. En effet, pour produire les versions basse consommation des puces, la simple baisse de fréquence et de tension n’est pas toujours suffisante pour garantir que la puce restera dans une certaine enveloppe, et les constructeurs doivent donc faire une sélection stricte des puces les plus efficaces, réduisant alors les marges.

À l’inverse, dans certains cas, les constructeurs permettent à leurs puces d’atteindre une consommation supérieure à leur TDP, ce qui permet d’accroitre les performances quand le système de refroidissement est surdimensionné par rapport au TDP. Cette autorisation de dépasser le TDP est alors couplé à un monitoring de la température de la puce, pour s’assurer qu’elle ne dépasse pas la limite fixée par le constructeur. On trouve par exemple ce comportement sur les puces graphiques nVidia dotées de la technologie GPU Boost 2.0, qui peuvent monter en fréquence tant que leur température ne dépasse pas 85°C. On retrouve également des mécanismes de ce type sur certains CPU.

Le dépassement du TDP peut aussi survenir de façon moins assumée… Intel précise par exemple dans les documentations de ses processeurs que la consommation peut occasionnellement dépasser le TDP dans certains cas d’usage spécifiques, notamment les « power virus » (des logiciels malveillants destinés à faire consommer le plus d’énergie possible au processeur). Ce dépassement n’a toutefois quasiment jamais été mis en évidence, donc on peut également supposer que cette mention est surtout là comme protection légale, plus qu’à cause d’un véritable risque de dépassement du TDP. D’autre part, les processeurs d’aujourd’hui mesurent généralement leur consommation en temps réel, et peuvent donc éviter le dépassement, en modifiant leurs paramètres de fonctionnement, quand c’est nécessaire, ou en insérant de brèves pauses dans le flux d’instruction.

Peut-on comparer les TDP ?

Vous l’aurez compris, dans la mesure où la définition du TDP est plutôt floue et n’est pas le reflet exacte d’une caractéristique de la puce, toute comparaison basée sur le TDP est forcément hasardeuse…

Deux constructeurs peuvent par exemple faire des choix différents dans leur méthode de spécification du TDP, en prenant plus ou moins de marge, ou encore en décidant de ne pas prendre en compte la consommation maximale, si celle-ci ne peut être atteinte qu’en de rares occasions et sur de courtes durées (l’inertie thermique évitera alors une surchauffe). Ces différences sont telles qu’un processeur spécifié avec un TDP supérieur à un autre peut en pratique avoir une consommation largement inférieure. C’était notamment le cas du Core 2 Quad Q9600, dont les tests de consommation montrait qu’il ne dépassait pas une consommation de l’ordre de 80W pour un TDP de 130W, alors que son concurrent de l’époque, le Phenom 9600 pouvait dépasser les 90W et était spécifié avec un TDP de 95W.

Même au sein de la gamme d’un unique constructeur, les comparaisons basées sur le TDP peuvent être difficiles, du fait de la segmentation : grouper les processeurs par famille de TDP induit forcément d’avoir des écarts entre consommation réelle et TDP, qui varient d’un modèle à l’autre, avec une variation d’autant plus grande que les familles sont peu nombreuses… La tendance actuelle est toutefois à une augmentation de la finesse de ce découpage en familles, ce qui rend les comparaisons plus faciles. Ainsi, alors que la gamme Core 2 d’Intel n’utilisait que 3 valeurs différentes pour les puces de bureau (65W, 95W et 130W), la gamme Haswell d’aujourd’hui est découpée en 7 niveaux de TDP différents, de 35W à 140W.

C’est encore plus compliqué dans le domaine des cartes graphiques, où l’utilisation du TDP est bien plus floue (probablement parce que les systèmes de refroidissement sont moins souvent modifiés par l’utilisateur). Ainsi, selon les sources, la valeur donnée pour le TDP correspond parfois à une limite supérieure de consommation du GPU, parfois à une limite supérieure pour l’ensemble de la carte, parfois à la puissance maximale qui est à disposition de la carte (en fonction des prises d’alimentation dont elle dispose), et parfois à une simple valeur « indicative », qui peut être dépassée si le refroidissement est suffisant…

Le TDP doit donc être considéré comme un indicateur qui peut donner une idée générale de la consommation à grosse maille (une puce spécifiée avec un TDP de 30W a de fortes chances de consommer moins qu’une puce spécifiée avec un TDP de 60W), mais en aucun cas comme un indicateur précis (une puce spécifiée avec un TDP de 65W peut consommer moins en pratique qu’une autre spécifiée à 55W). Seule une mesure de la consommation réelle peut permettre une comparaison réelle sur ce point.

Les alternatives au TDP…

Le marché des processeurs s’orientant de plus en plus vers des puces basse consommation, pour améliorer l’autonomie des appareils mobiles ou pour réduire les dimensions des machines, les constructeurs cherchent à afficher des valeurs de TDP toujours plus faibles… Au point qu’Intel a fini par introduire un nouvel indicateur, utilisé pour ses puces ultra-mobiles (ultrabooks, smartphones et tablettes), lui permettant de « tricher » un peu en affichant une valeur nettement plus faible sans réellement diminuer la consommation maximale de la puce : le SDP (Scenario Design Power). Le SDP est défini par Intel comme étant une mesure de la consommation réelle maximale durant un usage typique pour un produit ultra-mobile… Difficile de faire plus flou !

Les processeurs concernés peuvent être configurés pour maintenir autant que possible leur consommation réelle en dessous de la valeur du SDP, en modulant les paramètres de fonctionnement en fonction des tâches. Mais le maintien de cette valeur n’est pas garanti. Les fabricants d’appareils mobiles peuvent toutefois dimensionner leur système de refroidissement en fonction de ce SDP, à condition de mettre en place des dispositifs de protection pour éviter la surchauffe, lorsque la consommation dépasse le SDP.

L’intérêt de ce système est donc de privilégier l’autonomie par rapport aux performances, en forçant le processeur à réduire sa fréquence pour ne pas dépasser la limite du SDP, tout en gardant la capacité d’atteindre brièvement des performances plus élevées, notamment pour conserver une certaine réactivité. Une notion relativement similaire, mais moins extrême a aussi été mise en place sur les puces mobiles (ordinateurs portables), depuis la génération Ivy Bridge : le cTDP (pour « configurable TDP »).

Les puces disposant de la fonction cTDP disposent de deux ou trois jeux de spécifications, correspondant à différentes valeurs de TDP, avec la possibilité de passer d’un mode à l’autre de manière logicielle. Il y a alors une valeur nominale pour le TDP, correspondant au mode normal de fonctionnement du processeur, et une ou deux valeurs optionnelles, cTDP down et cTDP up, correspondant à un mode basse consommation et un mode hautes performances. Par exemple, un Core i5 4500U est garanti pour pouvoir fonctionner à 1.8 GHz avec un TDP de 15W en mode nominal, mais Intel garanti aussi qu’il pourra aussi fonctionner au minimum à 800 MHz sans dépasser 11.5W et 3 GHz sans dépasser 25W.

Ce système permet donc à l’utilisateur de choisir de privilégier l’autonomie ou les performances, alors que la modulation classique de la fréquence avec Speed Step, comme les autres technologies du même type, n’activent le mode basse consommation qu’en faible charge et le mode hautes performances qu’en charge élevée, sans tenir compte des préférences de l’utilisateur.

Article publié initialement sur PCWorld

Une réflexion sur « La Question Technique 12 : qu’est-ce qui se cache réellement derrière ces 3 lettres : TDP ? »

  1. Bon, décidément, dès qu’on creuse un peu, rien ne reste simple, surtout quand il y a du bizness de com qui vient pourrir les mesures ! Bientôt, à en croire la tendance, brancher son ordi sur réseau luttera contre le changement climatique. Vous aussi, collez une petite turbine à votre processeur multicœur pour lui réchauffer les pieds !

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